Aviateurs alliés passés par Comète via les Pyrénées


N° 287
Section A



Individu

Nom/Matricule : Leonard Alfred BARNES / 168998
Naissance/Décès : le 22 février 1920 / en 1988
Adresse : 122 Upper North Street, Poplar, Londres
Unité : RAF Bomber Command 630 Squadron
Grade : P/Off
Fonction : pilote
Zone d'atterrissage : Dravegny, Aisne, France

Len Barnes sur ses faux papiers Comète en 1944Len Barnes

Avion

Type : Armstrong Whitworth  Avro Lancaster Mk.II
N° série : ND530
Immatriculation/Nom : LE-P
Abattu : la nuit du 15 au 16 mars 1944 par un chasseur Ju88 lors d'une mission sur Stuttgart
Localisation : écrasé à Saint-Gilles, sur la rive Ouest de l'Ardre, à 25 km au Sud de Reims (Marne)

Lancaster

Action de Comète

Réception :
Interrogatoire :
Hébergeurs : MARTIN, COIGNE, LESGUILLIER, d'ALBERT-LAKE, MENDIARA
Guides nationaux : de VASSELOT, CAMUS
Guide international :
Durée : 11 semaines
Passage des Pyrénées : le 04 juin 1944


Informations complémentaires :

SPG 2000 complet.
Son équipage est le F/Off Giesler, navigateur ; le Sgt Gregg, bombardier ; le Sgt Plowman, radio ; le Sgt Walker, mécanicien ; le Sgt Overholt, Mitrailleur dorsal ; le Sgt Fox, mitrailleur arrière. Leur Lancaster décolle de East Kirkby le 15 mars à 18:30 hr. Durant le voyage retour, ils sont attaqués par des chasseurs à l'Ouest de Reims. Les commandes sont endommagées et les manœuvres d'évasion sont difficiles. A la seconde attaque, Eddy donne l'ordre de se préparer à sauter. Il plonge à 12 mille pieds à la troisième attaque. A la quatrième, les deux moteurs droits sont touchés. Il n'entend pas de réponse des deux mitrailleurs et est le cinquième à sauter, le 16 à 01:30 hr.
Barnes atterrit dans un champ près de Dravegny, dans l'Aisne. Il enterre son parachute, sa Mae West et ses bottes, puis allume une cigarette avant de commencer à marcher vers le Sud-Ouest. Un peu plus loin, il voit un parachute qui pend à un arbre, le décroche et l'enterre. A Dravegny, il a le temps de boire un peu à une fontaine avant qu'un chien ne commence à aboyer.
Il arrive peu de temps après dans le village d'Arcis-le-Ponsard et poursuit sa route, atteignant Coulonges-Cohan où il voit un fermier rentrer ses chevaux dans la cour de sa ferme. Sans se montrer, il va se cacher dans la grange. Il est 17h30. Après un repos de quelques heures, il sort de sa cachette pour consulter ses cartes. Se sentant surveillé, il voit que le fermier le regarde et il s'adresse à lui, lui demandant de l'aide. Le fermier lui indique de rester où il était et revient un peu plus tard avec du pain, du vin et un linge pour nettoyer sa blessure à l'œil. Deux autres hommes lui montrent sa position sur la carte.
Plus tard dans la journée, une jeune fille qui parle anglais lui rend visite. Elle le questionne pour s'assurer qu'il n'est pas un agent allemand infiltré comme cela s'était produit auparavant. Elle s'en va ensuite, lui ayant intimé de ne pas quitter son abri.
Le soir venu, Barnes est approché par un Français d'âge moyen, Jean, un ancien capitaine de l'Armée française, qui lui donne un manteau, un béret et une bouteille de whisky. L'homme le mène jusqu'à la ferme "Le Reraye" de Pierre MARTIN, où il reste dix jours dans une chambre, vivant de pain et de vin. Pendant ce séjour, on le mène voir les restes de son avion à Saint-Gilles, dans l'Aisne, dont les corps de deux de ses co-équipiers mitrailleurs, le Sgt James Henry Overholt et le Sgt Thomas Austin Fox, avaient été extraits et enterrés par les villageois dans le cimetière de l'église de St Gilles. Jean lui apporte des vêtements civils et des rations de la RAF.
Les patrouilles allemandes se faisant de plus en plus menaçantes, il est décidé de mener Barnes à Seringes-Et-Nesles, où il se cache durant des heures parmi les tombes du cimetière, attendant la suite des événements. Vers minuit, il entend une voix murmurant "Tommy, Tommy" (le surnom donné aux soldats de l'Oncle Tom) et il se signale aux quelques hommes du Maquis qui s'approchent, portant des mitraillettes Sten. Leur chef, Léon COIGNE, "le Grand Léon", dit à Barnes de les suivre. Malgré les patrouilles allemandes, ils parviennent au village voisin de Fère-en-Tardenois. C'est là, sur les rives de l'Ourcq, que résident dans "La Cabane" dans la Rue de la Goutte d'Or, Léon et Madeleine ("Mimi") COIGNE, ainsi que leurs enfants Christiane, 14 ans et Jean, 11 ans.
Léon COIGNE, plombier de son état, dirige les 10 hommes de son groupe "Base Organisation Aérienne" et participe souvent à des opérations de sabotage la nuit dans la région, à l'aide du matériel qu'il récupère sur les zones de parachutage britanniques. Il communique par radio avec Londres au départ d'une maison à 10 km de chez lui, dans le village d'Arcy-Sainte-Restitue, et il lui faut un certain temps pour faire confiance à Barnes, qui reste finalement hébergé pendant six semaines chez les COIGNE. Il passe son temps à regarder le paysage environnant de sa chambre, aidant aux tâches ménagères de la famille.
On avait pris le risque de le mener de nuit chez le coiffeur du village. On craint à un moment que Jean, le fils Coigne, se vantant d'à présent "connaître l'anglais" ne soit à l'origine d'une dénonciation, mais rien de fâcheux ne se passe. Quant à la fille, Christiane, elle transporte à vélo des messages cachés dans ses chaussettes. La nuit du 08 au 09 mai 1944, lors d'une sortie de récupération de matériel parachuté, le groupe de Léon tombe dans une embuscade dressée par les Allemands. 10 hommes de son groupe sont tués, mais Léon parvient à s'enfuir et doit se cacher pendant 10 jours dans la cheminée d'une usine désaffectée à Fère-en-Tardenois. Christiane se charge de lui y amener de la nourriture jusqu'à ce qu'il puisse quitter sa cachette et poursuivre son action avec un autre groupe.
Barnes, ne pouvant rester plus longtemps à La Cabane, est amené par Madame PINARD, membre de la Résistance locale, à la propriété de Madame LESGUILLIER, le "Chalet des Bruyères", dans le même village. S'y trouve déjà un aviateur écossais, William Jacks (fiche A282).
Mme LESGUILLIER, manifestant son inquiétude face au stress d'avoir à cacher maintenant deux aviateurs, se voit répondre par sa voisine, Mme PINARD, que si elle se fait fusiller pour un pilote, ce ne serait pas un deuxième qui ferait la différence.
Barnes et Jacks se rencontrent le 06 mai et restent un peu plus d'une semaine (Jacks dit une nuit) au Chalet avant d'être convoyés en train vers Paris par Odile de VASSELOT. Le seul incident du voyage du 13 mai se produit lorsque Jacks, ayant involontairement bousculé un garde allemand, s'excuse en anglais. Heureusement, l'Allemand ne réalise pas qu'on lui a parlé en anglais et répond simplement de faire mieux attention. Leur guide de Fère-en-Tardenois (Odile de VASSELOT) les quitte et est remplacé, à leur arrivée vers 23h00 à la Gare de l'Est, par un autre, qui les mène à une maison près du Trocadéro, probablement celle d'un médecin.
Le 22 mai, Barnes et Jacks vont loger dans l'appartement de Mme LESGUILLIER au 11 Avenue Emile Deschanel. Le 23, Odile vient donner une carte d'identité à Jacks. Ils sont emmenés chez un membre du réseau d'une Rosine (qui n'est pas Rosaline WITTON, arrêtée au début de l'année). Cette personne annonce qu'un seul pourra partir et les conduit à un garage où ils rencontrent Philippe d'ALBERT-LAKE. Barnes, qui n'a pas de papiers, retourne chez Mme LESGUILLIERS pour une semaine. Barnes récupère les boutons de manchette, que Jacks avait oublié dans sa précipitation, et n'aura l'occasion de les lui faire remettre que plus de 40 ans après, à Perth en Australie où Jacks a émigré après la guerre. Le 29 mai, on l'emmène à Boulogne.
Barnes est conduit par Odile de VASSELOT, deux jours plus tard, vers un autre appartement au 1bis Rue Vaneau chez Virginia d'ALBERT-LAKE où il va, au fil du temps, rencontrer une vingtaine d'autres aviateurs, dont les quatre qui vont l'accompagner par la suite dans son évasion. Il s'agit de Thomas Hubbard (fiche A284), Donald Willis (fiche A285), Jack Cornett (fiche A286) et Ronald Emeny (fiche A288).
Comme il est impossible de garder ces hommes enfermés pendant trop longtemps, on leur permet de sortir par deux à la fois après s'être assurés que cela pouvait se passer sans grand danger. Lors de l'une de ces escapades, Barnes s'aventure inconsciemment sous la Tour Eiffel, zone "interdite", et se fait remballer vertement sous la menace d'une baïonnette tendue par un soldat allemand.
Le 02 juin, les cinq hommes sont avisés qu'ils partiront le lendemain vers le Sud de la France. On leur procure de faux documents d'identité français et des vêtements d'ouvrier. Les vêtements qu'ils portaient auparavant alimentèrent le "stock" destiné à d'autres évadés atteignant Paris.
Le 03 juin, dans le train qui amène les cinq hommes vers Biarritz avec Robert CAMUS, Barnes est approché par un officier allemand alors qu'ils se trouvent tous dans le couloir. Heureusement, il se rend compte que l'officier voulait simplement avoir du feu pour allumer sa cigarette et Barnes lui en donne sans devoir dire un mot. Au début de l'après-midi, ils prennent un autre train à destination de Bayonne. Juste avant d'arriver à la gare, Cornett, qui se trouve à un certain moment au milieu d'un groupe de soldats allemands, panique et saute du train en marche. A la surprise de ses compagnons, les soldats ne réagissent pas. Plus tard, les autres évadés ayant descendu à Boucau, rencontrent Cornett se promenant dans les rues de Bayonne.
Peu avant la soirée, les cinq hommes marchent six kilomètres avant d'arriver à leur destination pour la journée : une petite auberge-restaurant à Sutar, près d'Anglet (chez Marthe MENDIARA, à l'auberge Larre), un point de passage habituel pour de nombreux évadés de Comète, malgré la présence habituelle de soldats allemands qui viennent s'y restaurer ou boire un verre.
98e passage de Comète, par Souraide avec les guides de Pierre ELHORGA. Le 03 juin, après un solide repas, on leur procure des vélos. Après une étape d'environ 6 km de Sutar à Souraïde, on (Juanito Bidegain ?) leur dit d'attendre le guide (Michel Echeveste) qui doit les mener en Espagne et on leur recommande de ne pas faire de bruit ni de quitter leur cachette dans les bois, la zone étant fortement surveillée par des patrouilles allemandes, habituées à tirer sans sommation sur tout individu suspect. A la tombée de la nuit, le guide, petit et musclé, leur apporte du pain, du fromage et du lait. Le guide ne parle que l'Espagnol, mais Willis, comprenant la langue, traduit ses recommandations avant d'entamer leur périple.
Le guide, habitué au terrain difficile, avance rapidement, imposant un rythme régulier mais soutenu au reste de la petite troupe, n'acceptant de s'arrêter un moment que lorsque l'un ou l'autre des aviateurs, épuisé, l'en supplie. Après une marche de cinq heures, ils arrivent à une rivière (un affluent de la Nivelle) formant la frontière entre la France et l'Espagne. Le guide se lance dans l'eau glacée, bientôt suivi des cinq évadés qui éprouvent plus de difficultés que lui à garder leur équilibre sur les roches glissantes. Passé la rivière, ils marchent encore jusqu'à 04 heures du matin avec un autre guide, moment où Willis lui dit qu'ils doivent absolument se reposer, étant incapables de continuer. Le groupe s'arrête ce qui leur semble un court instant et après s'être désaltérés de l'eau d'un ruisseau de montagne, les hommes se remettent en marche sur leurs jambes endolories. Peu après le lever du jour, ils sont menés vers une vieille cabane à moutons et avisés assez sèchement par leur guide qu'ils doivent rester là jusqu'à la nuit suivante lorsqu'il reviendra les voir. Sans nourriture ni boisson, les aviateurs exténués s'endorment.
A la nuit tombante du 05 juin, le guide revient, sans avoir apporté de quoi les nourrir, et les mène au même train quasi impossible à suivre. Le guide explique qu'il leur faut le plus rapidement possible s'enfoncer plus avant en Espagne, de manière à ne pas être renvoyés en France au cas où la police espagnole les arrête. Hubbard, les pieds couverts d'ampoules, souffre le martyre à chaque pas. Willis lui donne la dernière piqûre de morphine qui lui reste dans son équipement de survie. Au moment où les aviateurs pensent ne plus pouvoir avancer, ils voient deux hommes venant à leur rencontre et qui leur font signe de les suivre. Ces hommes les guident vers une ferme isolée qu'ils atteignent quelques minutes plus tard. Ils sont installés dans une grange où ils peuvent enfin se reposer pour la nuit.
Ils sont réveillés tôt le lendemain par la fille de la fermière, que sa mère avait envoyé leur dire que l'un des hommes avait été les dénoncer à la police en échange d'une récompense si les évadés étaient renvoyés vers la France.
[Ce qui précède est la version du récit de Willis. Voici la version dans le texte de Barnes :] Arrivés en Espagne après le passage de la Bidassoa [ces hommes n'ont pas traversé la Bidassoa, c'est une erreur] le 04 juin 1944, les hommes logent dans une ferme. Willis, qui comprenait l'espagnol, est intrigué d'entendre la fermière, assez énervée, dire à ses enfants de ne pas dire aux aviateurs où ils se trouvent exactement ni de les autoriser à sortir. Avisé, Barnes confie à Emeny qu'il n'a pas l'intention de rester là et lorsqu'il quitte la ferme les autres le suivent sous les cris de la maisonnée. Ils apprennent plus tard qu'ils avaient pris la bonne décision, car il avait été prévu de les livrer aux Allemands. La récompense ? Un sac de blé pour chaque aviateur...]
[la suite du récit de Willis :] En quelques minutes, les cinq hommes quittent la ferme, sans guide et sans carte. Heureusement, Willis a conservé sa boussole et ils peuvent ainsi continuer à se diriger vers le Sud (dans l'annexe C de son SPG, Barnes dit qu'ils acceptent qu'un jeune garçon les conduisent à Etxalar, vers l'Ouest et San Sebastian). Ils arrivent bientôt à une route, qu'ils décident de longer. Marchant ainsi pendant encore deux jours et n'ayant que des baies et l'eau de ruisseaux pour s'alimenter, ils décident qu'il est temps pour eux de demander de l'aide.
Un midi, alors qu'ils émergent du pied de collines près d'Oricáin, ils aperçoivent une ferme isolée et pensent qu'ils pourraient y obtenir de la nourriture en échange de leur argent français. Ils s'approchent de la ferme et c'est Willis, le seul du groupe parlant espagnol, qui frappe à la porte. Le fermier, surpris par les cinq hommes hirsutes, déclare qu'il n'avait pas de quoi les nourrir et leur indique la route vers Pampelune, à quelques kilomètres en contrebas, ajoutant qu'ils feraient mieux d'aller à la police dont il se dit certain qu'elle les aiderait.
Au début de l'après-midi du 08, ayant parcouru près de 100 km ces cinq derniers jours, ils arrivent à Pampelune et s'écroulent dans un parc. Ils pensent que leur seul espoir est que Willis se rende dans un bureau de poste pour téléphoner au Consulat américain ou britannique à San Sebastian. Arrivé au bureau de poste, Willis parvient à convaincre l'employé, méfiant, de ce que la situation est désespérée et qu'il faut qu'il puisse contacter les autorités alliées. C'est ainsi qu'il peut s'entretenir par téléphone avec le consulat britannique, qui l'avise de ce qu'ils seraient bientôt arrêtés, l'employé allant sans aucun doute aviser la police.
En sortant du bureau de poste, Willis voit un commissaire de police et deux de ses hommes qui l'attendent. Se sachant incapable de leur échapper, vu son état de fatigue, il leur dit où se trouvent ses compagnons et le groupe d'évadés accompagne les policiers vers le poste. Là, contrairement à ce qu'ils craignent, ils sont chaleureusement accueillis, ils peuvent faire un brin de toilette et on les amène dans un restaurant où ils peuvent enfin se rassasier.
Après une journée de repos, trois bons repas et un bain, les cinq évadés (retrouvés par Alberto QUINTANA) sont conduits sous bonne escorte en bus vers San Sebastian. De là, un court voyage en train les amène à Irun, où on les loge dans un hôtel pour une semaine. Willis est étonné de constater qu'Irun n'était qu'à seulement deux kilomètres de la frontière française et à moins de 30 km de Sutar où leur épopée avait commencé. Après deux jours de repos et avoir reçu des vêtements neufs d'une famille anglaise, le groupe se sépare.
Les trois américains, Willis, Hubbard et Cornett, sont conduits à Madrid par un représentant du Consulat des états-Unis venu les chercher. Ce trio est ensuite mis sur un train pour Gibraltar. Le 28 juin, Willis et Hubbard prennent l'avion pour l'Angleterre. Cornett les suit deux jours plus tard (le 30 juin). Barnes, quant à lui, passe une nuit à Sarragosa, 5 jours à Alhama et 2 jours à Madrid, arrivant à Gibraltar le 23. Il fut rapatrié par avion de Gibraltar le 24 vers l'Angleterre (Whitechurch) le 25 juin 1944 et débriefé le jour même.
Voir le récit de Barnes à ce site placé par sa fille, Amanda Burrows, qui indique que Barnes fut un des membres fondateurs de la RAFES.

Remerciement
Mot de remerciement de Barnes dans le carnet de Pierre Elhorga.


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